Mercredi 13 novembre, Pierre Cannet, dirigeant et fondateur de Blue Search, était une nouvelle fois l’invité de l’émission Avec Vous de BFM Business en compagnie de Christophe Nguyen, président d’Empreinte Humaine et psychologue, Marie Content, avocate associée au Cabinet BG2V, et Arnaud Brun, président du Conseil de Surveillance ADEQUAT, et directeur général d’Adsearch.
Aux côtés des journalistes Sandra Gandoin et Sofiane Aklouf, toutes et tous ont abordé différents sujets dont la période hivernale, les tendances du marché de l’emploi en 2025, l’engagement des salariés en entreprise, la sur-organisation de réunions en ligne, le futur des métiers avec l’IA… Voici les temps forts de cet échange.
Hiver social et économique : une conjoncture difficile
Fatigue, immunité : comment résister à cette première offensive hivernale ? Le climat, aussi bien social que météorologique, a une influence claire sur le moral, l’engagement des salariés en entreprises. Les arrêts de travail, les problèmes psychosociaux sont de plus en plus fréquents en cette période grisâtre. « Il y a tout un tas d’incertitudes de la part des salariés – économiques, sociales, politiques – qui peuvent expliquer ce moral » affirme Pierre Cannet, rappelant qu’au-delà du givre hivernal qui commence à poindre, c’est bien l’économie et le marché de l’emploi qui se glacent. Pour braver les épreuves du mauvais temps et de baisse de motivation, « l’essentiel est de trouver du sens dans ce que l’on fait au quotidien », indique Arnaud Brun.
Un constat chiffré
L’inquiétude et la colère sociale latente sont chiffrées. Pierre Cannet met en perspective : 66 000, comme le nombre de défaillances d’entreprises enregistrés au cours de l’année 2024. En 2020, par comparaison, ce chiffre s’élevait à 28 000, malgré la crise du Covid-19 et un ralentissement de l’économie. L’économie française, justement, comme l’explique Pierre « sort à peine de son hibernation. Les prêts garantis par l’État (PGE) pèsent encore sur les entreprises, tandis que le bouclier tarifaire s’érode, entraînant des incertitudes économiques et sociales. »
L’engagement des salariés : une relation à double sens
Passées les questions d’incertitudes, Pierre Cannet souligne que l’engagement en entreprise repose sur un équilibre subtil : « C’est la promesse et le contrat qui lient l’employé à son employeur, à court (la promesse, le contrat de travail) et à long terme (ce qui nous lie, la mission). » Cet engagement se nourrit de réciprocité : pour motiver les salariés, les entreprises ont les moyens d’explorer des différents leviers, comme la semaine de 4 jours ou 4 jours et demi (du lundi jusqu’au vendredi midi), une augmentation des primes à la suite d’atteintes d’objectifs, des primes de cooptation… Mais l’engagement ne se limite pas à l’environnement professionnel. L’émission a en effet rappelé l’importance lorsque cet engagement se présentait « hors-les-murs », c’est-à-dire un investissement sociétal et associatif.Pierre Cannet insiste sur sa dimension : « nous en tant que chasseur de têtes, on aime les personnes qui ont un investissement sociétal et associatif, politique, ce sont des choses que l’on regarde avec beaucoup d’intérêt dans les CV et les entretiens de recrutement ». L’engagement associatif c’est aussi faire montre de sa capacité à réaliser des projets. Des expériences à faire valoir, bien sûr, en entretien d’embauche.
La visio-conférence et le CV classique, bientôt dépassés ?
Le télétravail a bien sûr fait exploser le nombre de visio-conférences, et a de fait entrainé une batterie de désagréments et de problèmes physiques. Marie Content détaille : « rester trop longtemps assis, mais aussi les problèmes d’auditions liés à l’utilisation abusive d’écouteurs à fort volume… » Existent aussi les phénomènes de blurring, c’est-à-dire une frontière devenue de plus en plus poreuse entre vie personnelle et professionnelle. Christophe Nguyen, conseille, par ailleurs, de gagner en efficacité, de plafonner le temps de réunion à 45 minutes maximum.
En outre, lorsqu’il est question de l’avenir du CV, Arnaud Brun suggère que sa réalisation a beaucoup évolué : « là où avant on mettait ses diplômes, ses expériences professionnelles, aujourd’hui il faut ajouter de plus en plus, et sur conseil, d’expériences au sens large, de compétences, de tout ce qu’on a pu acquérir en fonction des expériences qu’on a pu réaliser. » Quant aux entretiens physiques et aux rendez-vous clients, Arnaud Brun et Pierre Cannet rappellent, d’une part, que c’est une excellente manière de percevoir l’engagement des salariés et, de l’autre, de mieux entrer dans le détail, mieux sentir la motivation des candidats. Pierre Cannet reste toutefois dubitatif concernant l’utilisation du CV vidéo : « le CV vidéo risque d’être plus vu qu’écouté, et si c’est seulement vu, le recruteur va juger le physique et pas le texte ».
Intelligence artificielle et recrutement : à quoi vont servir les recruteurs à l’avenir ?
Chargés de recrutement, consultants… tous les métiers du recrutement seront assurément touchés par l’utilisation de l’IA. Arnaud Brun nous fait savoir que 60% des métiers vont en être impactés. Toutefois, il le répète : « l’IA reste un outil. Le terme d’intelligence me pose problème. C’est plutôt un outil qui va développer l’humain. Toutes les tâches qui étaient auparavant chronophages sont maintenant assistées par l’IA, ce qui laisse du temps pour « faire du l’humain », c’est-à-dire rencontrer plus de candidats, plus de clients ».
Il est certain que l’IA reste un outil qui va faciliter et fluidifier toute une série de tâches administratives (synthèse prises de notes, aide à la rédaction d’articles…). Mais cet outil n’est pas doté de sensibilité, donc n’est pas capable de capter tout une panoplie de détails lors d’un entretien, de percevoir les postures, les motivations, un langage corporel. Pierre Cannet valide bien le fait que l’IA puisse être utile lors d’une première phase de recrutement, pour une première évaluation. En revanche pour les deuxièmes voire troisièmes phases « l’évaluation doit rester humaine, ce qui permet à nos consultants de passer plus de temps avec nos clients, ce qui est essentiel ».
Et Marie Content d’ajouter : « l’IA pourra nous faire gagner du temps sur ce qui demande moins de charge attentionnelle, pour que l’on se concentre davantage sur les tâches à très forte valeur ajoutée ». Marie Content rapporte bien ici qu’il faut continuer à questionner les résultats des IA (qui peuvent produire de faux résultats), à vérifier les données ainsi que le rendu des textes, à adopter un regard critique.
Redonner du sens et préparer l’avenir
Alors que le temps et l’engagement des salariés se refroidissent, que les incertitudes liées à l’intelligence artificielle continuent de peser sur l’avenir de certains métiers, le marché de l’emploi peut s’apparenter à une montagne enneigée : un terrain glissant, semé d’obstacles, de crevasses et de glaciers. Pourtant, avec une bonne appréhension des nouveaux outils, une vision humaine, un recentrage sur l’essentiel des métiers, du travail, du sens que nous lui donnons, il est possible de gravir les sommets et d’entrevoir, derrière les crêtes, les premières lueurs ardentes du soleil.