« Aux Etats-Unis on ne regarde pas ce que vous avez fait, on regarde ce que vous pouvez réussir demain. L’échec n’est pas vu comme une tare mais comme un tremplin et c’est toute la difficulté qu’on a en France »
Ce jeudi 4 juillet, Pierre Cannet, dirigeant et fondateur de Blue Search, était une nouvelle fois l’invité de BFM Business aux côtés de Philippe Fourquet (Président de 60 000 rebonds), Marine Pescot (fondatrice d’Eqolux) et Anne Vincent-Ibarrondo (avocate associée au cabinet Voltaire). Aux côtés des journalistes Sandra Gandoin et Sofiane Aklouf, ils ont abordé différents sujets liés à l’entrepreneuriat : perception de l’échec entrepreneurial, la santé des chefs d’entreprise et des conseils pour organiser son entreprise.
La perception de l’échec entrepreneurial : Doit-on parler de la liquidation de son entreprise sur son CV ?
Il y a une époque où les entrepreneurs qui avaient connu la liquidation et qui voulaient rebondir dans le salariat cachaient cette période lorsqu’ils postulaient à un emploi, la liquidation de leur entreprise étant vécu comme quelque chose de honteux. Des spécialistes et des cabinets de recrutement ont étudié la façon dont ces entrepreneurs pouvaient se servir d’une situation comme celle-ci pour en faire une force qui serait entendue par les cabinets, les recruteurs etc. Premièrement, quand on parle d’un emploi, ne partons pas sur un mensonge !
Ensuite, c’est le regard sur l’échec qu’il faut changer. Pierre Cannet insiste sur le fait que la France n’est pas les Etats-Unis : « aux Etats-Unis on ne regarde pas ce que vous avez fait, on regarde ce que vous pouvez réussir demain. L’échec n’est pas vu comme une tare mais comme un tremplin et donc c’est toute la difficulté qu’on a en France ». Pour autant, Philippe Fourquet estime que « ce regard est lié à de l’auto-stigmatisation, ce n’est pas forcément le regard de l’autre qui est négatif ». Une chose est sûre, il faut changer ce regard auprès de toutes les forces en présence : l’entrepreneur lui-même, le recruteur, l’employeur etc. « Il y a une richesse extrêmement grande à employer des personnes qui ont eu une expérience entrepreneuriale malheureuse ».
Enfin, tous les invités s’accordent à dire qu’il faut mentionner la période sur son CV ainsi que les résultats obtenus (chiffre d’affaires, clients signés etc.). On peut mettre par exemple « Création d’entreprise – en reconversion ». Il est aussi impératif de faire tenir son CV sur une seule page ! Les explications quant à elles viendront après lors de l’entretien. Il faut trouver les bons mots pour en parler et préparer cette phase de l’entretien : il faut notamment insister sur les enseignements tirés de cette expérience, c’est ce qui est fondamental. « Il y a toujours des réussites qu’on peut mettre en avant même si au bout de 5 ans, 8 ans ou 10 ans malheureusement l’entreprise a dû s’arrêter ». Les invités insistent également sur le fait de bien mettre à jour et remplir son profil LinkedIn qui explique tout le passif de l’entreprise.
La santé des chefs d’entreprise : un actif immatériel capital pour l’entreprise
Un autre sujet abordé durant cette émission était celui de la santé du dirigeant d’entreprise. Une législation (Loi Lecocq-Grandjean) a permis d’ouvrir la médecine du travail aux chefs d’entreprise. La santé du dirigeant représente le 1er actif immatériel de l’entreprise donc il apparaît fondamental de s’en occuper : si l’actif ne fonctionne pas bien, l’entreprise ne fonctionnera pas bien.
Philippe Fourquet met en avant une solution qui a été trouvée pour que les chefs d’entreprise aient accès à la médecine du travail malgré le peu de temps qu’ils ont. Il existe un programme « e-santé » qui permet de répondre rapidement à un questionnaire et ainsi savoir si le chef d’entreprise en situation de pré-burnout ou s’il est en situation de stress aigu afin de l’aider à s’orienter vers les bonnes personnes. Philippe rappelle également qu’il y a deux types de stress : « le chef d’entreprise est toujours stressé, mais on distingue le stress subi et le stress voulu ». Plus généralement un chef d’entreprise se met sous stress pour avancer donc ce stress voulu est moins négatif et pose moins de difficulté que le stress subi. Il faut donc différencier ces deux types de stress.
Par ailleurs, les chefs d’entreprises considèrent souvent ne pas avoir « le droit d’être malade » ou de l’être uniquement pendant les vacances. Pierre Cannet l’affirme, « en tant que chef d’entreprise, parce qu’on a tenu longtemps, dès lors que l’on se relâche, c’est-à-dire pendant les vacances on tombe malade ». Philippe Fourquet rebondit en expliquant observer des chefs d’entreprise complètement épuisés après la fermeture définitive de leur entreprise parce qu’ils ont jeté toutes leurs forces dans la bataille. Il s’interroge sur l’idée qu’ils auraient mieux fait de prendre un peu de recul et de se faire accompagner pour subir moins de stress et posséder une plus grande lucidité par rapport à la difficulté de l’entreprise. Il rappelle bien sûr que c’est « plus facile à dire qu’à faire ». Enfin, Marine Pescot conclue sur cette thématique en partageant le fait qu’en tant que cheffe d’entreprise « on a des phases hautes et des phases un peu plus creuses, le stress est effectivement constant et ne s’éteint jamais ». Une solution serait de se « rapprocher d’autres entrepreneurs pour partager ce stress et ce retour d’expérience, et se dire il faut apprendre à relâcher la pression de temps en temps même si effectivement on a beaucoup de poids sur nos épaules ».
La question « organisation de l’entreprise »: Remplacer un DSI de + 10 ans d’expérience par un junior – bonne ou mauvaise idée ?
Les postes de DSI sont souvent présents dans les moyennes et grosses entreprises. Les entreprises de petite taille font très souvent appel à des prestataires externes (sociétés de services) pour la gestion de la partie informatique. Ainsi, s’il y a un service informatique et un DSI au sein d’une entreprise, « on est sur un pilier de l’organisation » rappelle Pierre Cannet.
En période de difficultés économiques, l’idée d’abaisser les charges fixes en recrutant une personne moins expérimentée peut représenter une solution pour certains chefs d’entreprise. Mais Pierre estime qu’il faut « être très prudent ». Il ajoute « remplacer un DSI qui a 10 ans d’expérience dans l’entreprise par un junior c’est un risque. Il faut penser à long terme. ». En effet, il indique qu’il y a plusieurs façons de modérer ou de réduire les charges fixes notamment le fait augmenter le taux d’internes par rapport aux externes (freelance ou consultants) car ces derniers coûtent plus chers qu’un salarié. Faire appel constamment à des externes fragilisent l’entreprise parce le coût est plus élevé et l’entreprise ne capitalise pas de la même manière.
Philippe Fourquet complète les propos de Pierre en expliquant qu’un mauvais recrutement peut être un des causes de liquidation d’entreprise. Perdre une personne clé et la remplacer par une personne qui n’a pas le bon niveau est de nature à « compromettre la pérennité et le bon fonctionnement de l’entreprise ». Par ailleurs, en accord avec Pierre, Philippe insiste sur le fait que recourir à des prestataires externes peut sembler intéressant parce que les charges sont variables mais l’entreprise ne capitalise pas suffisamment sur la connaissance au sein de l’entreprise, ce qui est fondamental pour une entreprise en bonne santé.