Interview croisée réalisée par Christine Monfort pour le magazine et le site internet Ecommercemag.fr, de plusieurs cabinets de recrutement dont Blue Search Conseil, représenté par Frédérique d’Orgeval, Directrice Associée
Les métiers de l’e-commerce restent d’importants pourvoyeurs d’emplois. Les compétences sur la data sont toujours très recherchées, de même que les profils qui permettent de fluidifier les parcours et l’expérience client.
La croissance à deux chiffres du e-commerce soutient les besoins en compétences du secteur. Ce marché hyperactif devrait continuer à tenir ses promesses : alors que les ventes sur Internet ont atteint 81,7 milliards d’euros (+14,3% sur un an), la Fevad estime que le chiffre d’affaires de l’e-commerce devrait dépasser 90 Md€ en 2018 et franchir les 100 milliards en 2019. Ces tendances ne doivent rien au hasard. Alors que l’intelligence artificielle permet de mettre en place un marketing automatisé, les sites marchands peuvent adresser plus complètement et plus finement le client. « On est passé dans l’ère de l’e-commerce data driven et cela se retrouve sur l’ensemble de la chaîne de valeur », explique Frédérique d’Orgeval, directrice associée chez Blue Search.
« On est passés dans l’ère de l’e-commerce data driven », Frédérique d’Orgeval, Blue Search
L’essor d’équipes data en charge du marketing digital, et notamment des leviers d’acquisition, est une vraie tendance depuis 2017. « Pour optimiser leurs actions marketing, les e-commerçants doivent réduire le délai entre la collecte de l’information et la stratégie d’acquisition mise en place. Les équipes data ont plus d’expertise pour piloter les performances, en introduisant de l’intelligence artificielle et en modélisant les modèles vertueux. Dans ce contexte, ces compétences ne se trouvent plus au sein des équipes marketing digitales », ajoute-t-elle. Les e-commerçants continuent donc de recruter des « Data Analysts », issus d’écoles d’ingénieurs ou de commerce, et des « Data Scientists », dont le profil scientifique est couplé à une appétence pour les enjeux business. Leur courbe d’expérience dépend surtout des modèles applicatifs sur lesquels ils travaillent.
« Sur la data, nous n’avons pas constaté d’inflation particulière des rémunérations cette année, précise Jacques Froissant, directeur général d’Altaïde. Cela montre que la fonction a acquis un peu en maturité et que les recruteurs font attention à leur budget. Ils préfèrent parfois s’adjoindre un profil moins expérimenté, mais qui rentrera dans leur enveloppe salariale. Les rémunérations restent très variables selon l’environnement métier et la finance paie par exemple davantage que d’autres secteurs. Les changements de poste sont encore l’occasion de faire progresser les salaires de 20%, voire plus. »
UX Designers et Product Owners
Les équipes commerciales digitales intègrent désormais des postes de Content Manager ou de Traffic Manager. « On peut aussi retrouver ces spécialistes de l’expérience client et de la vente en ligne dans les fonctions marketing, où ils sont en charge du design du site. Compte tenu du nombre de candidats, les salaires n’évoluent pas vraiment », souligne Sébastien Sanchez, directeur exécutif senior chez Page Personnel. Les fonctions de Social Media évoluent progressivement vers du Social Shopping, qui nécessite de savoir travailler sur les avis, les recommandations, les bonnes plateformes communautaires… afin d’amplifier la communication sur les produits.
Les UX Designers ou CX Designers, qui s’assurent de la fluidité des interfaces et du parcours utilisateur, notamment via des méthodes d’AB Testing ou d’analyse de la donnée, restent encore très prisés. Les profils de Product Owner, qui doivent définir le produit qui apportera le maximum de valeur métier aux utilisateurs, sont désormais généralisés à l’ensemble des équipes qui développent des méthodes « agiles ».
Optimiser les usages sur mobile
La montée en puissance du mobile dans le e-commerce se retrouve sur les recrutements, notamment pour ce qui concerne l’optimisation de la recherche sur smartphone. « En complément du SEO, la fluidité de la navigation dans les interfaces sur mobile devient tout aussi importante, souligne Frédérique d’Orgeval (Blue Search). Les Product Owners qui ont une spécialisation mobile sont très recherchés. Ils ont généralement vocation à évoluer vers des postes où ils vont piloter des enjeux plus stratégiques d’évolution du produit, c’est-à-dire vers des profils de Product Managers, Head of Product ou Chief Product Officer. »
À côté des postes qui montent en puissance, les fonctions plus traditionnelles du e-commerce sont aussi sous pression. Les développeurs restent une denrée rare et bénéficient d’une dynamique de salaire soutenue, qui varie selon les technologies sur lesquelles ils travaillent. La tension sur les salaires s’observe aussi sur le volet administration des ventes (ADV), notamment pour les chargés de clientèle, dont les rémunérations sont en hausse de 5 à 10%: « Les grands e-commerçants se dotent de plateformes de chargés de clientèle pour prendre les commandes, assurer le suivi, gérer les retours et les litiges… L’évolution des outils a permis de déplacer les compétences, notamment pour ceux qui ont une capacité managériale. Grâce à ces changements, ils développent leur employabilité et peuvent plus facilement changer de secteur », observe Sébastien Sanchez.
La logistique sous tension
Avec l’augmentation du nombre de transactions en ligne (+20,5% en 2017 à 1,247 milliard, selon la Fevad), la logistique des e-commerçants est plus que jamais sous pression. Les enjeux de la Supply Chain restent pourtant inchangés: livrer le client au plus vite et anticiper les ruptures de stock. Les progrès réalisés sur les entrepôts connectés et les solutions d’Order Management System, qui permettent d’optimiser la livraison à moindre coût, aident à gagner en performance. « Le e-commerce change profondément les organisations dans le transport et ce secteur tire vers le haut les nouvelles fonctions comme les salaires. Pour raccourcir les délais, certains acteurs mettent les produits en vente avant d’avoir pu récupérer le stock. Les produits sont alors dispatchés et reconditionnés dès leur arrivée à l’entrepôt », détaille Sébastien Sanchez.
« Le e-commerce change profondément les organisations dans le transport et ce secteur tire vers le haut les nouvelles fonctions comme les salaires« , Sébastien Sanchez (Page Personnel)
Sur les métiers de chef de projet ou de responsable Supply Chain, aujourd’hui très recherchés, les candidats doivent avoir une appétence technique pour les systèmes d’information, voire pour la logistique à l’international. « Les compétences requises sur ces postes sont de plus en plus importantes. Depuis cinq ans, avec une accélération ces deux dernières années, on a vu se créer des fonctions de responsables Sales and Operations Planning (S&OP), chargés de l’élaboration du plan industriel et commercial de l’entreprise », poursuit-il. Leurs fonctions couvrent la prévision des ventes, l’exécution de ces prévisions jusqu’à la livraison au client et l’encadrement des Demand et Supply Planners.
Avec la réduction des temps de livraison, la problématique du dernier kilomètre est plus que jamais d’actualité. Les e-commerçants doivent non seulement s’assurer du bon fonctionnement de leur Supply Chain, mais aussi constituer un écosystème performant de partenaires capables d’intervenir sur la livraison.
Nouveaux profils
De nouveaux profils font leur apparition, directement liés à l’évolution des pratiques des e-commerçants. « Il y a de plus en plus de demandes sur la gestion des marketplaces, remarque Jacques Froissant. Placés sous la responsabilité du directeur e-commerce ou du directeur marketing, les responsables marketplace doivent avoir une vision marketing du e-commerce. Leur rémunération peut démarrer autour de 45 K€ pour un profil avec 3-4 ans d’expérience chez un petit e-commerçant. Elle peut atteindre jusqu’à 100K€ avec part variable chez un gros e-commerçant, pour un responsable avec plus de dix ans d’expérience, qui connaît toutes les facettes de cette activité, et qui devra encadrer des équipes. »
« Alors que les Data Architects deviennent de plus en plus courants, les ingénieurs DevOps restent une denrée rare », constate Frédérique d’Orgeval. En introduisant des méthodes agiles et en travaillant en transversal avec les métiers, ils sont de véritables spécialistes de l’agilité. Leur niveau de rémunération dépend du secteur et de leur expérience: dès 35-40 K€ pour les débutants et jusqu’à 70-80 K€ pour une expérience de plus de 5 ans. Des DataOps commencent à arriver, avec des profils proches de ceux des ingénieurs DevOps, mais qui travaillent dans un contexte plus général de la donnée.
La commande vocale va impacter de plus en plus le SEO. « Sur cette application spécifique du search, qui en est encore à ses prémices, on ne cherche pas forcément des spécialistes, mais des profils qui vont oeuvrer pour que la marque soit présente sur ces interfaces, poursuit-elle. On sait qu’il y aura à terme des besoins en recrutement sur le commerce vocal. »
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