« Lorsque l’entreprise est très matricielle, l’entretien à 360° prend tout son sens, à condition, toutefois, que les salariés y adhèrent »
Ce mardi 22 octobre, Pierre Cannet, dirigeant et fondateur de Blue Search, était une nouvelle fois l’invité de BFM Business aux côtés de Xavier Rodriguez (Président du Groupe Jarnias), Jean-Louis Lascoux (Président de la Chambre professionnelle de la médiation et de la négociation) et Paul van Deth (avocat associée chez Vaughan Avocats). Aux côtés des journalistes Sandra Gandoin et Sofiane Aklouf, ils ont abordé différents sujets dont : les entretiens 360, les plafonds de verre et les congés spéciaux, autant de sujets qui représentent de nouveaux défis pour les entreprises aujourd’hui.
À l’approche des entretiens de fin d’année, de nombreuses entreprises s’interrogent sur leurs méthodes d’évaluation. Parmi les réformes les plus fréquemment évoquées, l’entretien 360 est souvent mentionné. Mais de quoi s’agit-il réellement ? Et surtout, est-il judicieux de vouloir mettre en place une telle méthode à quelques mois de la clôture des bilans annuels ?
Selon notre fondateur Pierre Cannet, l’entretien 360 consiste à évaluer un collaborateur non seulement par son supérieur direct (N+1), mais également par ses collègues de même niveau hiérarchique, voire ses subordonnés (N-1). L’objectif est de proposer une vision plus « panoramique » de la performance du salarié. Toutefois, il souligne que cette méthode demande une préparation rigoureuse en amont (au moins préparée au mois de mai/juin) et ne devrait pas être envisagée comme une réforme de dernière minute. « L’entretien de fin d’année doit être préparé tout au long de l’année, pas dans l’urgence », rappelle-t-il.
Un système lourd mais efficace ?
L’un des principaux avantages de l’entretien 360 réside dans la richesse des perspectives qu’il propose. En obtenant des retours d’une variété d’acteurs au sein de l’entreprise, le collaborateur peut bénéficier d’une évaluation plus nuancée. Cependant, cette richesse a un coût : le temps et l’énergie nécessaires pour organiser et analyser ces retours. Comme le fait remarquer Paul van Deth, avocat associé chez Vaughan Avocats, « si vous mettez en place un système 360, vous devrez l’ajouter aux autres entretiens obligatoires, comme l’évaluation annuelle ou les discussions de carrière ».
De plus, Van Deth insiste sur la nécessité de consulter le Comité Social et Économique (CSE) avant toute mise en œuvre d’un tel dispositif. Imposer ce système sans concertation pourrait être perçu comme une surcharge de travail pour les salariés et engendrer du mécontentement. Jean-Louis Lascoux, président de la Chambre professionnelle de la médiation et de la négociation, va dans le même sens : « Ce type de méthode devrait être basé sur le volontariat. On ne peut pas forcer quelqu’un à évaluer ses collègues ou à se prêter à ce jeu. »
Pierre Cannet, de son côté, nuance ces propos en précisant que l’entretien 360 est particulièrement pertinent dans les entreprises où les rôles sont très matriciels. « Quand un salarié a plusieurs liens hiérarchiques ou fonctionnels, comme un directeur de communication rattaché à la fois à son Directeur Général et au Directeur Communication Groupe, un feedback à 360° peut avoir du sens », explique-t-il. Mais tous les salariés ne sont pas enclins à être « sous le feu des projecteurs », et cela représente l’un des grands défis de ce type d’évaluation.
Le plafond de verre : une réalité encore bien présente
Au-delà des questions d’évaluation, l’émission a également abordé la thématique des plafonds de verre. Pour Xavier Rodriguez, président du Groupe Jarnias, ces barrières invisibles peuvent prendre plusieurs formes. « Le plafond de verre, c’est d’abord ce sentiment d’être bloqué, soit dans sa carrière, soit dans l’évolution de l’entreprise elle-même », affirme-t-il. Cette frustration est particulièrement ressentie dans certaines structures, notamment les entreprises familiales, où les postes clés sont souvent réservés aux membres de la famille, limitant ainsi les perspectives d’évolution pour les autres employés.
Afin de contourner ces obstacles, Xavier Rodriguez conseille aux cadres de développer leur employabilité en permanence. « Il est essentiel de toujours être en apprentissage, de se former, et de ne pas se reposer sur ses acquis. Cela inclut également de se préparer à quitter l’entreprise si nécessaire », ajoute-t-il.
Bien-être au travail : vers de nouvelles formes de congés
Enfin, l’émission s’est penchée sur une proposition qui fait beaucoup parler d’elle : l’instauration de congés en cas de rupture amoureuse. Cette idée s’inscrit dans un mouvement plus large visant à améliorer la santé mentale et le bien-être des salariés. Pour les partisans de cette mesure, permettre aux employés de prendre du recul après une rupture sentimentale s’inscrit dans une démarche d’entreprise « humaine », soucieuse du bien-être de ses collaborateurs.
Ce type de congé fait écho à d’autres initiatives, comme celles observées au Japon, où certaines entreprises offrent des cours aux hommes pour les aider à mieux gérer les tâches domestiques. L’objectif est de favoriser un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, tout en changeant les mentalités en matière de répartition des tâches au sein du foyer.
Cependant, cette nouvelle conception du rôle de l’entreprise soulève des questions. Est-ce vraiment à l’entreprise de prendre en charge ces aspects personnels de la vie de ses employés ? Pour Pierre Cannet, il est important de ne pas franchir certaines limites. « Il y a d’un côté l’entreprise qui veut s’impliquer dans tout, qui cherche à incarner une responsabilité sociale et économique en proposant des congés pour toutes les situations possibles. Et de l’autre, il y a l’entreprise qui préfère rester discrète, qui cherche avant tout à maintenir un climat apaisé », analyse-t-il.
Cette dualité se retrouve dans la manière dont les entreprises communiquent sur leur image. Pierre évoque notamment des plateformes comme Welcome To The Jungle, où les entreprises peuvent se mettre en avant, et Glassdoor, où les employés partagent leur expérience. « Il y a souvent un décalage entre la réalité vécue par les employés et le discours utopique que certaines entreprises véhiculent pour attirer de nouveaux talents », conclut-il.
Conclusion
L’entretien 360, bien qu’il offre une vue plus globale de la performance d’un collaborateur, reste un dispositif complexe à mettre en place et à gérer. Le plafond de verre, quant à lui, reste une réalité pour de nombreux salariés, notamment dans les entreprises familiales. Enfin, les discussions sur le bien-être au travail et l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle soulèvent des interrogations sur le rôle que les entreprises doivent jouer dans la vie privée de leurs employés. Entre ingérence et bienveillance, l’entreprise moderne cherche encore son juste équilibre.