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« Une personne doit être capable de remettre en cause ses propres idées et pas seulement celles des autres »

Ce jeudi 4 juillet, Pierre Cannet, dirigeant et fondateur de Blue Search, était une nouvelle fois l’invité de BFM Business aux côtés de Philippe Fourquet (Président de 60 000 rebonds), Marine Pescot (fondatrice d’Eqolux) et Anne Vincent-Ibarrondo (avocate associée au cabinet Voltaire). Aux côtés des journalistes Sandra Gandoin et Sofiane Aklouf, ils ont abordé différents sujets dont : les seniors sur le marché du travail, l’auto-critique et le sens critique en entreprise et l’impact de la politique sur l’activité de l’entreprise.

Les seniors en entreprise : un défi pour les organisations

La question des seniors en entreprise est de plus en plus abordée depuis la mise en place de la réforme des retraites. Le témoignage de travailleurs seniors qui postulent à des postes sous-dimensionnés pour eux afin d’avoir un travail et pour ne pas rester inactif, qui passent haut la main les tests de sélection puis qui sont refoulés à la fin car « trop expérimenté » ou « vous allez vous ennuyer », est un témoignage qui revient trop souvent. Selon Pierre Cannet, c’est un souvent un prétexte formulé par le client et face auquel le cabinet de recrutement fait la langue de bois. Ces cabinets sont souvent malheureusement dans un effet panurge : « on a du mal en tant que chasseur, et j’essaie moi-même et je n’y parviens pas toujours, à contrer les stéréotypes et les préjugés de nos clients pour essayer de les amener à recruter un junior sur un poste où un junior est possible et un senior sur des jobs où la personne peut paraître surdimensionnée ».

Par ailleurs, Pierre constate qu’on sent une petite évolution depuis cette réforme des retraites puisqu’elle a eu l’effet bénéfique d’intérioriser qu’on allait travailler un peu plus longtemps et que, par conséquent, il fallait considérer ces profils plus seniors avec plus de bienveillance. Une solution intéressante qu’il présente est celle du management de transition : « les entreprises aiment bien recruter des personnes un petit peu plus seniors sur ce type de job parce que c’est quelqu’un qui va rassurer, qui arrive avec un peu de maturité et de recul et qui n’est pas dans le jeu politique de l’entreprise ».

Néanmoins, Marine Pescot rappelle une réalité du monde du travail : dans le secteur de la restauration, du tourisme etc., « il y a une réalité économique, les seniors justifient d’une expérience telle qu’il faut trouver un compromis entre réalité de terrain opérationnelle, réalité économique pour l’entreprise et le salarié et expérience professionnelle », avant que Pierre ajoute le point de la résistance physique qui est une difficulté supplémentaire pour les seniors.

L’auto-critique et le sens critique : une qualité en entreprise ?

« Critiquer c’est bien, être capable de s’auto-critiquer c’est mieux » considère Pierre Cannet. Les clients qui s’adressent à Pierre sont friands des candidats qui ont un véritable sens critique : « je veux du piment dans l’entreprise, je veux des épices, je veux que vous recrutiez quelqu’un qui a de la personnalité, qui est capable de remettre les acquis en cause ». Et ce constat est encore plus vrai dans l’univers du digital avec les grandes transformations auxquelles aspirent les organisations. Néanmoins, si la personne est simplement là pour donner des leçons et n’est pas capable de s’auto-critique, la greffe ne va pas prendre. Pierre explique donc qu’en tant qu’évaluateur il a l’esprit critique (c’est son métier) mais quand il recrute une personne il est « vigilant à ce que la personne soit aussi capable de remettre en cause ses propres idées et pas seulement celles des autres ».

Philippe Fourquet rebondit en ajoutant qu’il faut être capable de « faire des propositions concrètes d’améliorations, qu’elles soient constructives », parce que souvent on critique mais on ne donne pas de solution. Quant à Marine Pescot, elle estime que la limite peut être fine et ajoute que dans l’environnement du digital on peut aussi prendre en compte les outils digitaux « notamment aussi par rapport à l’IA » car nous avons aussi besoin de cet esprit critique pour analyser l’usage que nous avons des nouveaux outils et des nouveaux contenus digitaux.

La question de l’auto-critique et du sens critique rejoint la question de la liberté d’expression dans l’entreprise rappelle Anne Vincent-Ibarrondo. En effet, il s’agit là d’un « droit fondamental qui nous est garanti pour la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et c’est aussi inscrit dans le Code du Travail ». Bien sûr, cette liberté d’expression ne doit pas « dégénérer en abus » : ce n’est pas parce que vous émettez une critique où vous avez fait valoir votre esprit critique (par exemple sur la stratégie de l’entreprise à l’occasion d’une importante réunion) que vous pouvez être licencié. Ce n’est pas un motif de licenciement valable.

Finalement, tous les invités s’accordent à dire qu’oser dire non ou critiquer est plus une qualité et un droit qu’un défaut. Et les détracteurs qui pensent que cela a un lien avec la loyauté en entreprise se trompent. Pierre le dit clairement « le manque de loyauté c’est si l’esprit critique se fait en présence de clients, de prestataires ou de fournisseurs » et que cela met le chef d’entreprise dans une position inconfortable. Autrement, l’esprit critique en réunion interne par exemple, est positif. In fine, être force de proposition est recommandé pour avancer véritablement.

L’impact de la politique sur l’activité des entreprises

Le marché de l’emploi est devenu attentiste depuis l’annonce du Président de la République de dissoudre l’Assemblée Nationale. Marine Pescot explique que dans le secteur café-hôtellerie-restauration, cela est visible tant sur le plan financier que sur les recrutements. Généralement, il y a des difficultés à s’engager sur l’après parce qu’il y a une incertitude importante quant à la politique économique qui va être menée, de même que sur le plan juridique et social. Philippe Fourquet est très clair « les chefs d’entreprise se projettent, ils font des plans et des business plans pour développer les entreprises et ils ont besoin de savoir dans quel cadre cela va se faire ». Ces chefs d’entreprises prendront donc des décisions lorsqu’ils y verront plus clair et qu’il y aura moins d’incertitude.

Cependant, Pierre Cannet n’est pas aussi négatif. Dans le digital, il continue à recruter notamment sur des postes de cadres confirmés ou de direction. Le marché des débutants et des juniors ainsi que celui des seniors est très touché, c’est une « absolue certitude » et le « volume d’emplois à pourvoir stagne ou diminue ». Mais on observe chez Blue Search que sur les 10 derniers mandats qui nous ont été confiés, il y en a 7/10 qui sont des remplacements notamment parce que le manager n’était pas adapté au contexte de crise par exemple. Il y a donc seulement 3 créations de poste. Cette situation était exactement inversée il y a un an même si les flux de chasse se poursuivent actuellement. De plus, un autre facteur intervient : celui des sociétés exportatrices. A l’international, il existe encore des relais de croissance. Enfin, le 3e domaine très représenté dans ce contexte c’est celui du commercial. « Quand ça va mal, il faut aussi savoir recruter des commerciaux pour aller chercher du nouveau business ».

Anne Vincent-Ibarrondo quant à elle souligne qu’il y a des craintes de la part des employeurs, que ce climat lourd est présent depuis plusieurs semaines et qu’il est vrai qu’ils sont dans l’attente. « C’est plutôt à la rentrée que ce sera assez déterminant sur les orientations ». Rendez-vous donc au mois de septembre pour y voir plus clair !

Sur un plan plus social, Anne rappelle que les tracts distribués par les organisations syndicales dans les entreprises doivent faire référence à un combat dans l’entreprise et non à un choix politique. Pierre a aussi observé que des chefs d’entreprise s’étaient interrogés sur le fait de prendre la parole. Certains d’entre eux voulaient mettre en place des groupes de travail, même des groupes de réflexions et d’appui psychologique dans cette période. Globalement, ils sont inquiets, tout autant que les syndicats et il y a des tendances à surréagir qui ne vont pas dans le bon sens.

Toujours selon Pierre, les prises de position qui peuvent exister ne sont souvent pas bien vécues. « Il y a une liberté d’expression dans l’entreprise mais le dirigeant n’a pas vocation à faire preuve de prosélytisme et de prise de position politique. Il peut pourquoi pas animer un débat, il ne peut pas prendre position ». En revanche, on peut inciter les personnes à aller voter sans promouvoir un bulletin de vote précis.